Voilà plusieurs années que je m'intéresse à l'histoire de la fabrication des caractères en bois. Je ne suis pas le seul dans ce cas, et je pourrais citer, par exemple, Eric Nunes et l'Ampersand Press Lab ou Adrien Vasquez (Abyme), qui, avec Samuel Vermeil, anime le projet X-Cicéro à l'Esad de Valence (26). C'est donc dans cette école que je me suis présenté, une nouvelle fois à l'invitation de Tom Henni, pour animer un workshop de trois jours dans l'atelier typo de l'établissement. Cette fois-ci, je suis venu avec mon copain le Gravograph TXL. Attention, ça va fraiser !
Le Gravograph, c'est un pantographe mécanique. En gros, un bras articulé sur lequel on trouve à une extrémité un stylet, et de l'autre, une fraise - à bois en l'occurrence, mais elle peut être remplacée, selon la matière à graver. La fraise suit le parcours du stylet, à l'identique, mais en réduisant le motif. J'ai donc proposé aux étudiantes et étudiants de dessiner des caractères, de les graver, puis d'inventer une maquette pour présenter l'ensemble, sachant qu'il fallait faire simple, parce que trois jours ça passe vite, et qu'il fallait laisser à l'encre le temps de sécher.
C'était, pour moi, l'occasion de tester un peu la machine ; voir si le moteur et les courroies tiendraient le coup, calculer les taux de réduction, etc. Il existe des pantographes typographiques, spécialement pensés pour fabriquer du caractère. Le Gravograph, lui, est destiné à graver des plaques de notaires ou votre prénom sur votre canif préféré...
Une fois l'idée sur la table, ne restait plus qu'à se lancer dans le dessin de lettre. Il ne s'agissait pas ici d'être rigoureux dans le dessin du caractère, mais bien au contraire de se laisser aller, et, dans un vaste élan récréationnel, de tester les limites de la bécane plus que de créer une nouvelle police praticable - voire simplement lisible !
Ensuite, il a fallu dessiner et découper les matrices dont le stylet suivrait les contours. Or, la relation entre le stylet et la fraise étant très sensible, le moindre écart de conduite se reporte dans le bois. On a utilisé du carton gris très épais, et donc pas évident à découper au cutter (la scie égoïne nous ayant lâché assez rapidement !).
Une fois les matrices découpées, les étudiants ont pu s'y mettre. Ladies & gentlemen, here is the Gravograph in action :
Les caractères sont gravés dans du médium. Un gros travail nous attend ensuite : monter toutes les lettres à hauteur égale et typographique (soit 2, 356 cm), à coup de couches de carton et de papier...
Ci-dessus, la mise à hauteur typo. Les caractères noirs ont étés épreuvés.
Ci-dessous, en bas, la plaque de médium gravée, et mon pied droit, en haut, les caractères montés à hauteur typo, ayant été encrés pour épreuve. Et un pied droit étudiant.
Ci-dessus, une fois les traits de contour du caractère gravés par le pantographe, reste à enlever le reste de la matière au ciseau à bois...
Pendant ce temps, une étudiante prépare la composition de la page de titre, en Caravelle 1/2 gras de corps 12, un autre épreuve les nouveaux caractères...
Après une brève concertation, le groupe décide d'encrer le recto en rouge et bronze, le verso en noir.
Il faudra quelques réglages pour tout mettre à bonne hauteur. L'impression se fait sur la vénérable presse Deberny & Peignot de l'atelier. La page de titre, composée au plomb, est imprimé sur la plus petite presse, sur papier autocollant. "Le temps presse plus qu'il ne sèche". (Proverbe typo ; enfin je crois).
Une fois le recto-verso imprimé, on est bien-sûr le troisième jour, il faut couper, plier... et montrer le résultat au reste de l'école. Au même moment et dans le même mouvement, Adrien Vasquez montre les résultat de son workshop, et la revue Pneu se lance !
Mes remerciements les plus sincères à Tom Henni pour l'invitation, Adrien Vasquez pour la savante compagnie, Léa Ochoa pour l'assistance sans faille, Raphaëlle & Samuel Vermeil pour leur accompagnement et la crème des étudiants de DG3 pour leur enthousiasme, leurs rires et leur simple plaisir de faire.
Je me dois de rajouter ici que le Gravograph se déplace. Chez vous, peut-être ?